Sakés de SHIZUOKA  chez KOZO (Paris 9e)

Dimanche 19 janvier, il faisait grand froid à Paris, et avec quelques chefs et sommeliers, nous nous sommes réfugiés avec délectation dans le petit restaurant cosy du chef Kozo, près du métro Saint-Georges, à Paris (9e). Nous attendaient une dizaine de sakés de Shizuoka et l’excellente cuisine de Makita Kozo. Ce fut un moment unique et convivial, à l’image de la devise du chef : « ichigo-ichie » ! Une parenthèse au cœur de l’hiver, dont nous nous souviendrons longtemps.

Ravis aussi de nous transporter, pour quelques heures, dans le passé. Sur cette voie de la mer de l’Est, dite « Tokaido », dominée par le Mont Fuji, reliant Kyoto, la capitale impériale, à Edo (future Tokyo) : 53 étapes, dont 22 situées sur l’actuel territoire de la préfecture de Shizuoka. Après une longue journée de marche, les voyageurs et autres pèlerins dégourdissaient leurs membres et se réchauffaient le cœur en buvant des rasades de saké dans les auberges qui jalonnaient la route côtière. Hokusai et Hiroshige en étaient, eux aussi, et se sont nourris des scènes pittoresques du Tokaido et des admirables panoramas de Shizuoka pour réaliser leurs célèbres estampes.

L’événement a débuté par un séminaire animé par Naoko Ikeda, spécialiste du vin, du saké et des spiritueux (certification WSET). Elle nous a expliqué les spécificités du saké de Shizuoka, dont cette eau, essentielle à sa fabrication, provenant de rivières souterraines alimentées pas la fonte des neiges du Mont Fuji, des monts Akaishi et du mont Amagi. Le saké de Shizuoka a connu une renaissance dans les années 1980 grâce au développement local d’une nouvelle levure, d’un riz à saké, le Homare-Fuji, et aux efforts des maisons de saké pour se hisser parmi les meilleures. Depuis novembre 2023, les sakés de Shizuoka répondant à un certain nombre de critères peuvent recevoir le label GI (Indication géographique). Ils se caractérisent par une grande finesse, une faible acidité et un umami pas trop prégnant, ce qui est idéal en termes d’accord.

Dix sakés donc. Pour débuter et clore la dégustation, deux « pétillants » de la Maison Sanwa, fondée en 1686, c’est-à-dire au temps du shogun Tokugawa Ieyasu :  le sparkling Garyubai méthode champenoise, puis un « Rosé ». Trois autres sakés nous ont été servis avant le début du déjeuner : le Tokubetsu junmai Homaré-Fuji de la Maison Fuji-Nishiki ; le Kimoto junmai Yasohachi de Sugii Shuzo, seul saké traditionnel aux notes de céréales que nous avons goûté, dont les arômes rappellent un peu ceux du vin jaune du Jura ; puis le Kaï-un Tokubetsu junmai Kuzu-no-Sato de la Maison Doï, élaboré avec de la levure extraite de la fleur de Kudzu, dite aussi « vigne japonaise ». Le « Kaï-un » qui signifie « porte-bonheur », est l’incontournable saké des mariages et des inaugurations.

La dégustation mets-saké a débuté par le junmai ginjo Shôsetsu de la maison Kanazawagawa, véritable exhausteur de goût, idéal sur le consommé de champignons servi bien chaud dans un petit verre. Le succulent Royal de foie gras de canard était accompagné par l’Onna-Nakasé qui a fait la renommée de la maison Wakatake : ce junmai daiginjo, tient son nom d’une femme (Onna) qui aurait versé des larmes tant ce saké était bon. Quel accord ! Même sentiment à l’égard du Kaï-un junmaï daiginjo et de la Saint-Jacques rôtie, velouté de navet et d’épinard et son risotto de riz noir. Avec le divin coq au vin ont été servis le junmai ginjo Garyubai, puis le junmai daiginjo Fujinishiki. Enfin, les arômes de muscat et litchi du Shôsetsu sparkling SNOW, légèrement trouble, sont venus enrober et réveiller le sabayon pistache, chantilly chocolat, glace au rhum et poire caramélisée.

Tous ces accords avaient été éminemment bien travaillés, prouvant, si l’était nécessaire, combien le saké est un élément clé de l’univers culinaire du chef Kozo. Difficile aussi de dire lequel nous avons préféré, parmi tous ces sakés prémium, si élégants et si raffinés dont se détachait le Kimoto junmai, plus traditionnel et également fort apprécié. Ce fut, en tout cas, une succession de mets plus délicieux les uns que les autres, sublimés par les sakés de Shizuoka.


© Texte et photos de Sophie Gallé Soas pour PARI PARI

KOZO – 48 rue Saint-Georges 75009 Pari