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de la gastronomie
et des produits japonais

En franchissant la porte d’Akina, à Terre-Sainte, le village de pêcheurs de Saint-Pierre, et en dégustant les sushi qui y sont confectionnés dans les règles de l’art, on se demande par quel miracle Taiki Saito est arrivé là : c’est le seul chef japonais de La Réunion.

© @yohan_mauve

Une histoire d’amour en Australie : Taiki Saito y rencontre Anaïs Gullstrand, étudiante réunionnaise en management. S’ensuivent un job de maître d’hôtel pour Anaïs à Tokyo sur Omotesando, puis des vacances à la Réunion. Taiki Saito, passionné de surf, est attiré par l’océan. De son côté, Anaïs n’envisage pas de vivre éloignée de sa famille. Deux raisons suffisantes pour que le jeune couple prenne la décision de s’installer sur l’île et d’y ouvrir, en 2016, son restaurant. C’est aussi l’année de naissance de Taïs, leur fils.

Levé à 4h du matin, Taiki Saito part acheter son poisson dans les petits ports du sud et de l’ouest de l’île : dorade, vivaneau, escolier, voilier, espadon, thon germon, thon banane, thon albacore, thon big eye (le meilleur !), zourite (poulpe), crevettes de Saint-Leu péchées au casier… Parfois, il travaille aussi l’anguille et la truite. Un peu de saumon, dont il se passerait bien, si une partie de la clientèle n’en réclamait parfois avec insistance. De retour à Akina, commence la préparation (il travaille seul). Formé à la technique traditionnelle du sushi edomae (à la mode d’Edo), les poissons sont maturés, marinés, ce qui permet de concentrer les saveurs. Et en effet, les neta de « maguro no suke » (thon mariné), tout comme le marlin ainsi préparé, ou flambé mi-cuit, que nous avons dégustés, fondent savoureusement dans la bouche. Dashi maki tamago (omelette japonaise), hosomaki takuan (radis japonais), uramaki au thon frais épicé, sashimi, shirashi (poisson cru sur bol de riz), temaki… complètent généreusement la carte. On se laissera néanmoins tentés par les plateaux de 18, 36, 54 ou 72 pièces, à partager en famille ou entre amis, sur place ou à emporter.

Au menu également, le bento du jour : poulet katsu, tempura de camarons (gambas de la Réunion) ; ou Gyu don (effiloché de wagyu mijoté au saké sur un bol de riz). Joli choix de bière japonaise, du saké ou de l’umeshu, réclamés par les connaisseurs.

Le chef privilégie bien sûr les produits « péï » (locaux) comme le shiitake, le gobo (bardane), le shiso et le mitsuba (persil japonais) cultivés à La Réunion, ou encore les « brèdes », qui font partie de ces herbes, feuilles et pousses emblématiques de la cuisine des Mascareignes (La Réunion, l’île Maurice et Rodrigues). Et il en est une, assez rare, qui a le goût du wasabi ! Le galanga peut remplacer le gingembre et pour les agrumes, on trouve aussi des yuzu et des sudachi.

Se procurer des produits japonais depuis l’île de La Réunion, à des prix restant dans la limite du raisonnable, c’est un peu la croix et la bannière. Si Taiki et Anaïs Saito ne désespèrent pas de mieux garnir leur corner épicerie qui a beaucoup de succès, ils se heurtent aux difficultés d’approvisionnement inhérentes à l’île et aux taxes qui viennent alourdir la facture.

Akina est gratifié de deux Gousses de Vanille au Kaspro, l’unique guide gastronomique indépendant de La Réunion. De façon assez surprenante, Le Guide Michelin ne daigne pas faire le voyage dans ce département français, « l’outre-mer ne faisant pas partie de sa stratégie »…

Deux Gousses de Vanille… une distinction amplement méritée pour Taiki Saito dont le talent est à la hauteur de son humilité toute japonaise. Les clients réunionnais, souvent amoureux du Japon, et la petite communauté nippone de l’île ne s’y trompent pas. Taiki Saito, d’un calme olympien, fait ce qu’il sait faire : des sushi, comme le lui ont enseigné ses maîtres. Avec ses cheveux longs et ses magnifiques tatouages, il a des airs de Robinson. Allergique aux feux de la rampe, concentré et dissimulé derrière la vitre de son comptoir, il s’offre la lumière en surfant sur l’océan, avec son fils, Taïs, 8 ans, déjà bon surfer (et fan des « des sushis de poisson »  de son papa !). Sous le regard attendri d’Anaïs, vigie au large sourire qui nous accueille si chaleureusement à Akina.